Les horaires atypiques de travail concernent davantage les femmes avec des répercussions de plus en plus documentées sur leur santé. Notamment sur le sommeil, mais pas seulement. Décryptage.
Un peu plus d’un tiers des salariés français travaillent en horaires atypiques. Et parmi eux, un nombre croissant de salariés, notamment du secteur de l’aide à domicile. Et beaucoup de femmes. Ce sont les conclusions des auteures d’un article publié dans le bulletin mensuel de l’Ined. Elles avancent plusieurs explications : changements de mode de vie et de consommation, dérégulation du temps de travail, vieillissement de la population et hausse des besoins en matière de soins aux personnes âgées…
Ces évolutions ne touchent pas tout le monde de la même façon. Ainsi, si « la part des femmes cadres en horaires atypiques diminue de 23 % entre 2013 et 2019, (…), elle augmente de 11 % pour les ouvrières catégorie qui subit la plus forte dégradation ». Plus généralement, les femmes qui ont fait des formations courtes sont surreprésentées dans les métiers du commerce et de la distribution où le travail dominical a progressé, « ainsi que dans les métiers du soin et des services à la personne (aide-soignante, aide à domicile, aide-ménagère), où les horaires atypiques sont structurels et peu sujets à amélioration ».
Les « horaires atypiques », qu’est-ce que c’est ?
En résumé, il s’agit d’horaires qui dérogent à la règle commune. Les personnes qui travaillent tôt le matin (avant 7 heures), tard le soir (après 20 heures), de nuit (après minuit), mais aussi le samedi et/ou le dimanche, sont en horaires atypiques. A cela peuvent s’ajouter d’autres formes de contraintes, comme « les horaires irréguliers (variables d’un jour à l’autre), les journées discontinues (périodes de travail séparées d’au moins trois heures) et les horaires imprévisibles (connus un jour à l’avance ou moins) ». Ce type de contraintes concerne tout particulièrement les femmes.
Produisent-ils des effets sur la santé ?
« Le travail de nuit est un facteur de risque pour les travailleurs », rappelle l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Les troubles du sommeil (déficit chronique de sommeil), les troubles métaboliques (comme le syndrome métabolique) et les accidents du travail font partie des risques avérés. Les effets sur la santé psychique (troubles de l’humeur, dépression, anxiété, irritabilité…) sont également fréquemment rapportés par les travailleurs de nuit. Le travail de nuit surexposerait aussi à la prise de poids et à l’obésité, au diabète de type 2, aux maladies coronariennes et au cancer, tout particulièrement chez les femmes.
Les effets des autres types d’horaires atypiques sont moins documentés, mais on sait toutefois que les astreintes, les horaires flexibles, variables, imprévisibles et fractionnés augmentent le stress et impactent négativement le sommeil. Le travail le dimanche implique lui « une perte des liens sociaux familiaux et amicaux ainsi qu’une diminution du temps de loisir ».
Peut-on prévenir ces risques ?
Hôtellerie-restauration, transports, services hospitaliers, aide à domicile… « Certaines activités ne peuvent se passer de présence humaine continue », rappelait l’INRS dans une publication consacrée aux horaires atypiques, parue en janvier 2019. Faute de supprimer le travail de nuit, « agir sur le système horaire peut contribuer à réduire la désynchronisation interne et la perturbation du sommeil ». Parmi les pistes préconisées : pas plus de trois nuits par semaine, ajuster la durée du poste de nuit en fonction de la pénibilité des tâches, adapter ces tâches en fonction des heures de vigilance, insérer des pauses, prévoir des temps de transmission suffisants entre les équipes… Dans l’idéal, « il faut veiller à ce que l’aménagement horaire interfère le moins possible avec la vie familiale et sociale », insiste l’INRS. « Car toucher aux rythmes de travail, c’est toucher à la vie privée ».
Source : Anne Lambert, Laetitia Langlois, Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées, 2022, Population et Sociétés, n° 599 (Ined) – INRS – 27 avril 2022